Le Ghana avoue son deal avec Trump

Accra a accepté d’accueillir des migrants expulsés par Washington en échange de la levée des restrictions sur les visas américains et de concessions commerciales majeures.

Beaucoup s’en doutaient : Donald Trump ne fait jamais rien sans contrepartie. Mais c’est désormais officiel, au-delà des supputations : le Ghana a bel et bien conclu un accord avec les États-Unis dans le cadre de l’accueil de migrants expulsés du territoire américain.

Au moins quatorze d’entre eux, tous originaires d’Afrique de l’Ouest, sont arrivés à Accra le 5 septembre dernier. Le 10 septembre, le président John Dramani Mahama confirmait publiquement cet arrangement.

« Nous avons été sollicités par les États-Unis pour accueillir des ressortissants de pays tiers expulsés. Et nous avons convenu avec eux que seuls les ressortissants d’Afrique de l’Ouest seraient acceptables », affirmait-il.

Présenté comme purement humanitaire par le ministre des Affaires étrangères Samuel Okudzeto Ablakwa, cet accord dont les termes étaient alors restés secrets a immédiatement provoqué l’indignation de plusieurs observateurs, à l’instar de l’historien Amzat Boukari-Yabara.

Un « marché de la remigration »

« Le fait qu’il y ait des pays qui commencent à ouvrir la porte sur des deals un peu flous n’est pas un bon signal », avait dénoncé ce spécialiste du panafricanisme et auteur d’« Africa Unite ! Une histoire du panafricanisme » dans une émission sur Vox Africa, y voyant les prémices d’un « vaste marché de la remigration » en Afrique.

Ces craintes se révèlent d’autant plus fondées que les migrants expulsés par les États-Unis sont traités avec peu d’égard pour leurs droits fondamentaux. Certains sont renvoyés dans leur pays natal en toute illégalité, où ils risquent leur vie.

Plus d’une dizaine de personnes accueillies par le Ghana ont ainsi saisi la justice contre l’État pour « détention illégale et risque de refoulement ». Abandonnés sans papiers au Togo voisin pour certains, ces migrants avaient pourtant obtenu des juges américains de l’immigration un sursis ou un report de l’expulsion « en vertu de la Convention contre la torture », malgré le rejet de leur demande d’asile.

Un troc diplomatique aux enjeux économiques majeurs

Ils accusent aujourd’hui l’État ghanéen d’avoir bafoué ses obligations internationales. Selon les révélations d’Okudzeto Ablakwa, en contrepartie de sa coopération, le Ghana a obtenu la levée des restrictions américaines sur les visas touristiques, d’affaires et étudiants, rétablis pour une durée de cinq et quatre ans.

Par ailleurs, les négociations ont porté sur la prorogation de l’AGOA, programme américain d’exemption de droits de douane, et sur un réexamen de la hausse des tarifs douaniers frappant les exportations ghanéennes.

« Nous avons pris l’entière responsabilité et, avec la bénédiction du président Mahama, nous avons décidé d’entamer des négociations. Nous ne sommes pas heureux que nos compatriotes soient en détresse, qu’ils soient détenus, qu’ils soient dans des cages, qu’ils soient abandonnés ailleurs, dans des endroits auxquels ils ne sont pas habitués », a poursuivi le chef de la diplomatie ghanéenne.


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