
L’ancienne figure de l’opposition a été cooptée par la majorité pour incarner le président de la nouvelle république. Ce régime parlementaire le prive pourtant de pouvoirs essentiels au profit de l’ancien président, au pouvoir depuis 20 ans, qui devient premier président du Conseil des ministres, un poste sans limitation de mandat.
Cela vous a peut-être échappé, mais Faure Essozimna Gnassingbé n’est plus président de la République du Togo. Depuis le 4 mai dernier, ce poste est dévolu à Jean-Lucien Savi de Tové. Symboliquement seulement, puisque dans les faits rien n’a changé.
Deux décennies après avoir accédé à la magistrature suprême dans le cadre d’une succession dynastique suivant la mort de son père Gnassingbé Eyadéma en 2005, Faure détient toujours les rênes du pouvoir togolais.
Après avoir modifié à plusieurs reprises sa Constitution pour se maintenir au pouvoir ces dernières années, l’homme de 58 ans s’est désormais assuré de pouvoir régner indéfiniment à la tête du pays, grâce à un nouveau poste de Premier président du Conseil des ministres créé sur mesure.
Issu de la réforme constitutionnelle instituant une nouvelle république – la cinquième – fondée sur le parlementarisme, ce poste ne prévoit en effet aucune limitation de mandat pour son titulaire.
Un président sans substance
En revanche, le président dispose d’un mandat de quatre ans renouvelable une seule fois, élu au suffrage indirect par le Congrès qui regroupe désormais députés et sénateurs.
Ainsi, le président de la République reste sous la tutelle du président du Conseil, qui n’est autre que « le chef du parti majoritaire ou du premier parti de la coalition jouissant d’une majorité à l’Assemblée nationale à l’issue des élections législatives », autrement dit Faure Gnassingbé.
Depuis 2012, ce dernier contrôle d’une main de fer l’Union pour la République (Unir), qui détient 108 députés sur 113 sièges à l’Assemblée et 34 sur 41 sièges au Sénat. Dans ces conditions, on se demande à quoi sert réellement Jean-Lucien Savi de Tové.
Le crépuscule d’une carrière de combat
« Il aurait dû refuser cette responsabilité pour rester fidèle à ses principes », regrette Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, secrétaire générale de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), à propos de cet homme de 86 ans qui a participé à tous les combats démocratiques aux côtés de l’opposition togolaise.
Plusieurs fois ministre et pressenti pour le poste de Premier ministre lors de la libéralisation des partis politiques au début des années 1990, ce diplômé en droit a fait de la prison sous le régime Eyadéma, accusé de tentative de coup d’État.
« Jean-Lucien Savi de Tové correspond au profil idéal d’un homme sans ambition, qui ne peut faire ombrage à Faure Gnassingbé », estime pour sa part Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais, formation d’opposition.
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