Terres rares : combien de temps durera la mainmise chinoise ?

Une mine à ciel ouvert à Chuquicamata, au Chili.

 

Si la Chine domine l’industrie des terres rares depuis les années 1990, elle a vu sa mainmise s’amoindrir cette dernière décennie. Son poids est passé de 90% de la production mondiale à 70%. Pour remonter cette part, Pékin a récemment créé un mastodonte via la fusion des principaux fournisseurs nationaux.

En décembre 2021, Pékin a créé un géant des terres rares par la fusion des principaux producteurs nationaux. Baptisée China Rare Earth Group, cette méga entreprise pèse plus de 70% de la production nationale des terres rares lourdes et 30% de celle des terres rares légères. Elle est directement gérée par le gouvernement via la Commission de supervision et d’administration des actifs (SASAC), qui en détient une participation majoritaire de 31,21%. Elle doit permettre à l’Etat de contrôler les prix, jusqu’alors éclatés et bas de gamme. Plus de cinq mois après sa création, on constate effectivement une revalorisation des tarifs et donc une hausse des recettes.

Le poids de la Chine a fondu en dix ans

China Rare Earth Group devrait également consolider la domination chinoise sur le secteur. La Chine pèse actuellement pour 70% de la production mondiale, contre 90% au début des années 2000. La part de l’empire du milieu a donc fondu ces dernières années en raison de la fixation d’un quota de production. Mais surtout de la concurrence de plus en plus importante des autres pays comme l’Australie, la Russie, l’Inde et les Etats Unis. Ce dernier pays dominait autrefois le secteur jusqu’au réveil chinois dans les années 1990. Washington importe aujourd’hui 90% de ses terres rares de Chine (80% pour l’Europe).

Les Etats Unis savent bien que cette domination chinoise (un autre grand rival avec la Russie) constitue un danger permanent. Pékin pourrait en user comme d’une arme politique pour s’imposer lors de négociatons commerciales. Pour contrer cette potentielle menace, les autorités américaines ont décidé d’ouvrir de nouvelles mines. Mais les obstacles législatifs sont énormes. Elles étudient donc de meilleures pistes. Fin mars, le Sénat a présenté un projet de loi visant à réduire cette dépendance à l’égard de la Chine sur les terres rares. Cette nouvelle législation s’appuie sur le Quad, une alliance stratégique entre les Etats Unis, l’Australie, le Royaume-Uni, le Japon et l’Inde.

Des technologies de pointe et des financements massifs

Parmi ces alliés, l’Australie est certainement la plus active. Elle a mis en place une véritable politique d’indépendance axée sur les compagnies nationales. Parmi celles-ci figurent Lynas Corporation avec qui le département américain de la Défense a signé un accord de 30 millions de dollars en février 2021. Cette société minière australienne possède le gisement de Mt Weld Central Lanthanide, l’un des plus riches au monde et le plus grand en dehors de la Chine. Mais les entreprises australiennes n’ont pas encore l’envergure des groupes chinois. Ceux-ci ont d’importantes capacités financières en plus de bénéficier  d’investissements massifs pour développer leurs activités et s’étendre à travers le monde via des acquisitions.

Par ailleurs, les conglomérats chinois disposent de technologies de pointe et profitent d’un vaste réseau de raffinage de produits bruts. China Rare Earth Group, qui a avalé les plus importants producteurs nationaux, dispose de puissants moyens pour devenir un véritable « monstre » industriel. Ce nouveau fer de lance de la politique chinoise des terres rares devrait renforcer la domination du pays sur ce secteur. Selon les spécialistes des terres rares, la Chine va continuer sa mainmise pendant au moins une décennie encore. Elle va s’appuyer sur ses infrastructures de pointe, ses réserves et son nouveau géant minier. La riposte des pays occidentaux, elle, ne devraient pas porter ses fruits avant plusieurs années.


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