Violences contre les femmes : l’ONU épingle la Mauritanie

Photo de Renato Brazioli sur Unsplash

Un groupe d’expertes de l’ONU a dénoncé, vendredi dernier, la normalisation des violences contre les femmes en Mauritanie. C’était lors d’une conférence de presse à Nouakchott, à l’issue d’une mission de deux semaines dans le pays. Cette critique survient alors qu’un nouveau texte de loi pour les droits des femmes fait l’objet d’un vif débat.

A l’issue d’une mission de 12 jours effectuée en Mauritanie, un  groupe d’expertes de l’ONU a donné une conférence de presse à Nouakchott, le vendredi 6 octobre, pour faire un premier bilan. L’équipe onusienne a reconnu que le pays a fait des efforts considérables pour l’autonomisation des femmes et des filles. Elle a évoqué, par exemple, l’instauration d’un quota électoral et l’adoption de législations interdisant des pratiques déshumanisantes comme les unions forcées, les mariages d’enfants et les mutilations génitales.

Des violences causées à tous les niveaux

Mais le groupe d’expertes relève que des lacunes subsistent et qu’elles continuent d’entraver l’épanouissement  de la gente féminine en Mauritanie. Selon Mme Meskerem Geset Techane, présidente adjointe du groupe de Travail des Nations unies sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, « le problème le plus dangereux reste bien le déni des violences commises contre les femmes ». La responsable précise que ces violences se font à tous les niveaux. Dans l’éducation, la santé, le travail, la politique, l’économie, etc.

Le patriarcat pointé du doigt

Merskerem Geset Techane impute cette violence systémique à « l’oppression patriarcale ». L’avocate spécialiste des droits de l’homme dit avoir reçu des alertes sur des violences basées sur le genre dans les familles et dans les communautés où ce patriarcat règne. Elle fait même cas de viols et d’abus sexuels, que les tabous sociétaux étouffent. Face à ces violations des droits de la femme, Mme. Geset Techane appelle les autorités à combattre les violences sexuelles et à cesser de blâmer les victimes. Car, rendre coupables les victimes assure l’impunité aux auteurs de ces violences.

Des rencontres avec des victimes, des autorités et des activistes

Aussi, l’avocate a interpellé l’Etat mauritanien sur la nécessité d’adopter une loi intégrale sur la prévention, la protection et la réponse à la violence basée sur le genre. Cette loi s’avère d’une importance capitale pour les Nations Unies. Sans elle, la Mauritanie ne pourra pas parvenir à un développement véritable et durable. « Le changement doit commencer au sein de la famille et de la culture », a ajouté Mme. Geset Techane. Au cours de sa mission en Mauritanie, le groupe de travail de l’ONU a rencontré diverses parties. Parmi lesquelles des parlementaires, des juges et avocats, des acteurs de l’éducation, des professionnels de la santé, des associations religieuses et des organisations de la société civile.

Un texte de loi en cours pour les droits des femmes

La délégation a aussi et surtout parlé avec des filles et des femmes victimes de violences basées sur le genre dans différentes localités, dont Nouakchott et Nouadhibou. Elle dit avoir été frappée par les récits révoltants, au sein de la famille et de la communauté. L’équipe onusienne présentera son rapport final au Conseil des droits de l’Homme en juin 2024. Notons que sa mission intervient dans un contexte social tendu. En effet, un vif débat oppose les tenants de la tradition et les progressistes autour d’un nouveau projet de loi en préparation pour les droits des femmes. Ce texte nommé Karama vise à prévenir les violences faites aux femmes et à sanctionner leurs auteurs.

Une vive opposition des chefs religieux

Il suscite l’hostilité d’une bonne partie de l’opinion publique. De nombreux parlementaires et des imams le rejettent, le jugeant contraire aux principes de l’islam et aux valeurs de la société mauritanienne. Ses détracteurs soupçonnent même une initiative imposée depuis l’étranger. Des manifestations ont déjà eu lieu à Nouakchott et dans certaines villes pour pousser l’Etat à abandonner son projet de loi. Le lundi 4 octobre, au cours d’un Conseil des ministres, le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a rassuré l’opinion nationale que « rien ne sera fait qui soit contraire à la charia ».


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