
Le continent africain revendique une représentation fidèle de ses dimensions réelles sur les cartes du monde.
L’Afrique se lance dans une offensive diplomatique contre l’une des représentations les plus répandues au monde : la projection de Mercator. Créée en 1569 par le géographe flamand Gérard Mercator, de l’actuelle Belgique, cette projection cartographique cylindrique minimise drastiquement la taille réelle du continent africain.
« Elle grossit artificiellement l’Europe et l’Amérique du Nord, tout en réduisant la taille de l’Afrique d’environ la moitié », dénonce dans les colonnes de RFI Fara Ndiaye, directrice adjointe de l’organisation Speak Up Africa.
Cette ONG dakaroise, spécialisée en communication stratégique, plaidoyer et politiques publiques pour la santé et le développement durable, a lancé depuis 2018, en collaboration avec son homologue Africa No Filter, la campagne « Correct the Map » (Corrigez la carte) demandant le remplacement de la projection Mercator.
L’initiative, qui a désormais le soutien de l’Union africaine (UA), dépasse la simple géographie. Elle touche au cœur même des représentations héritées de l’époque coloniale. En effet, ce qui était conçu comme un instrument pratique pour la navigation maritime s’est progressivement imposé comme la référence absolue dans l’enseignement, l’édition et le numérique.
Quand la géographie devient politique
Des salles de classe aux plateformes en ligne, la projection de Mercator a colonisé notre imaginaire géographique, devenant la norme incontestée pour représenter notre planète.
« Cette distorsion-là, elle n’est pas neutre, elle façonne notre imaginaire collectif, influence les programmes scolaires et aussi les représentations médiatiques, lorsqu’un enfant africain, notamment nos enfants africains, voient leur continent rapetissé, cela diminue aussi un certain sentiment de fierté et l’importance que cet enfant accorde à son identité », affirme Fara Ndiaye.
Selon Moky Makura, directrice d’Africa No Filter citée par Reuters, la représentation cartographique réduite de l’Afrique constitue « la plus longue campagne de désinformation au monde ». D’où la projection « Equal Earth » (Terre égale) choisie comme alternative.
Pour une nouvelle géographie des consciences
Développée en 2018 par trois cartographes – Bjan Savich, Bernard Jenny et Tom Patterson -, cette nouvelle approche promet de révolutionner la vision actuelle du monde en respectant les proportions réelles de chaque territoire.
« La projection Equal Earth est un outil pédagogique qui pourrait tout à fait être utilisé dans les écoles, à travers les médias, les différentes institutions, car il permet réellement de montrer un monde équilibré où chaque continent retrouve son véritable poids, ce qui n’est pas du tout le cas de la projection Mercator », justifie Fara Ndiaye.
La carte « Equal Earth » présente en effet chaque partie du globe dans ses proportions authentiques. Les pays situés près de l’équateur, notamment en Afrique et en Amérique du Sud, retrouvent leur véritable dimension, tandis que les régions polaires perdent leur surreprésentation artificielle.
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