
Le milliardaire anglo-soudanais, à travers sa fondation éponyme, confronte sans détour les dirigeants africains à leurs responsabilités et aux défis persistants du continent.
Pour Mo Ibrahim, « l’Afrique est dans une impasse sécuritaire » préjudiciable à son essor économique ; la guerre du Soudan – son pays de naissance – ne mobilise pas autant la communauté internationale pour des raisons liées, selon lui, à la « couleur de peau ».
« Le prix d’un être humain dépend malheureusement de sa couleur. Un enfant européen tué, un enfant américain tué, c’est un gros titre. Cent enfants tués en Afrique… même votre BBC ne le mentionnera pas », a-t-il déclaré sur les antennes de la chaîne britannique, avec le franc-parler qui le caractérise.
Des colonnes de journaux occidentaux aux plateaux de télévision africains, l’ancien magnat des télécommunications devenu philanthrope ne mâche pas ses mots, défendant partout sa conviction : l’Afrique ne saurait compter sur les autres pour sortir de l’ornière.
Une situation illustrée, selon lui, par une multiplication des conflits « plus nombreux qu’à n’importe quelle époque de notre histoire ». « Le capital n’a pas d’idéologie, il cherche la confiance et la stabilité », déclarait-il le mois dernier au Maroc, lors du forum annuel de la fondation qui porte son nom.
Un évaluateur impitoyable de la gouvernance africaine
Créé en 2006 sur conseil de Bill Gates, au lendemain de la vente de Celtel, son entreprise de télécommunications – opération estimée à 3,4 milliards de dollars qui le propulse dans le club des milliardaires –, cet organe vise à promouvoir une meilleure gouvernance en Afrique.
Une gageure sur un continent où de nombreux dirigeants finissent en prison dès leur sortie du pouvoir, quand ils ne sont pas contraints à l’exil ou, pire encore, assassinés lors d’un coup d’État.
Surtout, les critères d’évaluation du prix décerné par la Fondation sont particulièrement exigeants : ils résultent d’une compilation de données gouvernementales, d’institutions internationales et d’ONG, complétées par des sondages d’opinion. Certaines années, comme en 2025, aucun prix n’est décerné, faute de candidat digne de cette distinction.
Un Afro-optimiste, mais pas béat
L’ironie n’épargne personne, pas même les anciens lauréats. Mahamadou Issoufou, qui avait reçu le prix en 2021, s’est ainsi retrouvé dans une position délicate à Marrakech selon Le Figaro, soupçonné d’avoir pris le parti des militaires qui ont renversé son successeur démocratiquement élu.
« Regardez le Botswana, Maurice, la Namibie, même l’Afrique du Sud malgré ses problèmes de captation d’État. Certains gouvernements réussissent vraiment bien. Nous sommes 54 pays, mais franchement, pour le reste, nous ne nous en sortons pas bien », insiste cet afro-optimiste, mais pas béat.
Pour Mo Ibrahim, le continent dispose de tous les atouts : ressources naturelles, économie bleue, population jeune. « Nous ne sommes pas surpeuplés du tout », affirme-t-il. Reste à créer les conditions de l’investissement, à savoir l’État de droit, les institutions solides, un coût du capital raisonnable. « Vous ne pouvez pas investir dans un pays où l’État de droit n’est pas suffisant », martèle encore l’homme de 79 ans.
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