Au Cameroun, le mystère Paul Biya

L’absence prolongée du plus vieux chef de l’État africain alimente rumeurs, fantasmes et autres spéculations dans son pays.

Mais où est donc passé Paul Biya ? La question fait le tour de la presse internationale ces derniers jours. Au Cameroun, pays que le président nonagénaire dirige depuis plus de quatre décennies, c’est la même interrogation, restée pour l’heure sans réponse.

Pour cause, la dernière apparition publique du chef de l’État camerounais remonte à début septembre en marge du récent sommet Chine-Afrique organisé dans l’Empire du Milieu. Depuis, l’homme a été absent des principaux rendez-vous internationaux desquels il était pourtant annoncé.

Ce fut notamment le cas de l’Assemblée générale de l’ONU et du dernier Sommet de la Francophonie qui s’est déroulé à Paris, dans la capitale française. De fait, les réseaux sociaux, véritables caisses de résonance de l’opinion publique, se sont emparés du sujet.

En quelques jours, les rumeurs les plus folles ont commencé à circuler : Paul Biya serait gravement malade, hospitalisé à Paris ou à Genève, voire même décédé. Face à l’ampleur prise par ces spéculations, le gouvernement camerounais s’est vu contraint de réagir.

Confusion et censure

Cependant, la réponse officielle, loin d’apaiser les inquiétudes, n’a fait qu’ajouter à la confusion. Plusieurs hauts responsables ayant pris la parole, sans doute à leur corps défendant, ont livré des versions parfois contradictoires.

Le directeur du cabinet civil de la présidence a affirmé que le président était en « excellente santé » et travaillait depuis Genève, tandis que le porte-parole du gouvernement a évoqué un « court séjour privé » en Suisse.

« Ce qu’on peut noter avec cette communication arrivée sur le tard, est une forme de cacophonie. On a l’impression que c’est des membres de plusieurs gouvernements différents qui communiquent sur le même sujet », décrypte le journaliste camerounais Jules Domche sur la chaîne de télévision Vox Africa.

Alors que le moulin à rumeurs continue de s’emballer, les autorités camerounaises ont choisi la censure. Une note ministérielle estampillée « Très Urgent », signée par le ministre de l’Administration territoriale Paul Atanga Nji et datée du 9 octobre, ordonne ainsi l’interdiction pure et simple de tout débat sur l’état de santé du président dans les médias du pays.

Un pays face à ses démons

En cause, certaines « élucubrations » auraient pour « objectif malsain de perturber la quiétude des Camerounais, semer la confusion et le doute dans les esprits en vue d’installer le pays dans l’incertitude ».

Le ministre ordonne à chaque gouverneur de région de mettre en place des « cellules de veille chargées de suivre et d’enregistrer toutes les émissions et débats dans les médias privés et d’identifier les auteurs des commentaires tendancieux, y compris ceux qui agissent à travers les réseaux sociaux ».

Cet épisode actuel, qu’il s’agisse d’une véritable crise sanitaire ou d’une simple rumeur, révèle au grand jour les tensions latentes qui traversent la société camerounaise.


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