Bassirou Diomaye Faye, le candidat prête-nom : un saut dans l’inconnu pour le Sénégal

Avec sa posture d’éternel étudiant, Bassirou Diomaye Faye, est le grand point d’interrogation de la présidentielle sénégalaise du 24 mars prochain. Et pour cause, cet inspecteur des impôts de 43 ans est le candidat par défaut des Patriotes (ex-PASTEF), dont le véritable leader, Ousmane Sonko, a été déclaré inéligible suite à sa condamnation pour diffamation. Une nouvelle épreuve pour une démocratie sénégalaise qui était jusque-là un modèle de stabilité dans la région.

Le premier tour de l’élection présidentielle se déroulera le 24 mars. Initialement prévu le 25 février, le scrutin a été reporté par le Président sortant Macky Sall – qui n’est pas candidat à sa réélection – suscitant un vaste mouvement d’indignation populaire. Un report dénoncé par le Conseil constitutionnel qui a exigé l’organisation rapide du scrutin. La Démocratie sénégalaise a surmonté cette épreuve, mais une nouvelle menace se profile avec l’émergence de candidats aux profils inédits.

A l’heure où les coups d’Etat sont redevenus la norme en Afrique de l’Ouest et où le Sahel s’est transformé en arrière-cour pour les terroristes, le Sénégal demeure un phare démocratique dans la région. Malgré une apparence chaotique, le mouvement populaire de ces dernières semaines contre le report du scrutin présidentiel atteste en réalité de l’attachement viscéral des Sénégalais pour leur modèle démocratique et de la force de ses institutions.

Bassirou Diomaye Faye, un candidat de substitution

Dans un contexte régional dangereux, la candidature surprise de Bassirou Diomaye Faye apparait comme un véritable « crash test » pour le Sénégal. Jamais dans l’Histoire du pays un candidat n’était parti à l’assaut du palais présidentiel avec si peu de bagages, de notoriété et d’expertise. C’est un inconnu, qui va devoir faire oublier son manque flagrant d’expérience en termes de gestion et de convaincre les électeurs qu’il n’est pas juste un pâle remplaçant d’Ousmane Sonko, véritable tribun au charisme indéniable.

Depuis les années 1960, la solidité de la démocratie sénégalaise s’appuie sur l’alternance, le sens des responsabilités des électeurs, et la stature d’hommes d’Etat des Présidents qui se sont succédé à la tête du pays : Léopold Sedar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Macky Sall. Autant d’hommes politiques expérimentés, intellectuels de haut-niveau, arrivés au pouvoir après des années d’apprentissage. Des profils remarquables, à l’opposé de celui de l’inconnu sans expérience qu’est Bassirou Diomaye Faye. D’autant plus qu’à l’étiquette « d’amateurisme » dont l’affublent ses rivaux, s’ajoute un programme et des méthodes qui inquiètent.

La tentation démagogique et populiste

Le candidat de substitution des Patriotes (ex-PASTEF) reprend à son compte la plateforme politique d’Ousmane Sonko, faite de populisme, de démagogie et d’une violence verbale en rupture avec un paysage politique sénégalais jusque-là empreint de sagesse et de modération. Le mouvement d’Ousmane Sonko joue délibérément sur l’outrance, les attaques personnelles et le « tous pourris » pour séduire la jeunesse sénégalaise. Un jeu politique dangereux auquel s’ajoutent des relations pour le moins ambiguës avec une idéologie extrémiste et rigoriste en opposition aux coutumes sénégalaises modérées et de leurs chefferies spirituelles, qui a fait basculer toute la région dans une profonde instabilité sécuritaire et politique. Démagogie et fondamentalisme religieux : un cocktail explosif dans un pays réputé pour un Islam confrérique tolérant assurant une unité nationale fondée sur la coexistence pacifique entre les religions.

Reste à savoir si Bassirou Diomaye Faye parviendra à se faire un nom et à sortir de l’ombre de son mentor. On ne s’improvise pas candidat à l’élection présidentielle du jour au lendemain, à fortiori quand on est largement inexpérimenté et inconnu du grand-public. Quand bien même réussirait-il ce tour de force, Ousmane Sonko acceptera-il longtemps d’être supplanté par un homme de paille ? De son côté, s’il était élu, combien de temps Bassirou Diomaye Faye supportera-il la tutelle de son mentor ? L’Histoire démontre que les petits arrangements politiques entre amis ne résistent guère à l’épreuve du pouvoir et des ambitions, et se terminent généralement par une rivalité d’autant plus haineuse et violente qu’elle est vécue comme une trahison. La stabilité des institutions sénégalaises pourrait-elle survivre à une division du pouvoir entre un Président de façade et un Roi de l’ombre ?


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