Frictions entre Cotonou et Washington

La tendance autoritaire à laquelle la démocratie béninoise semble virer sous Patrice Talon n’est pas du goût des États-Unis, qui sonnent l’alerte. Au grand dam des autorités béninoises qui font valoir leur souveraineté.

Entre les États-Unis et le Bénin, les échanges virent au dialogue de sourds où chacun semble camper sur sa position. Après avoir protesté le 13 décembre contre les récentes condamnations des opposants Joël Aïvo et Reckya Madougou respectivement à 10 et 20 ans de prison, le département d’État américain a frappé fort.

Son programme d’aide, le Millennium Challenge Corporation (MCC) dédié aux investissements dans le domaine de l’énergie électrique entre autres en Afrique, a annoncé en fin de semaine écoulée, la réduction drastique de ses interventions au Bénin. Cela suppose très probablement plusieurs dizaines de milliards en moins notamment pour le projet d’électrification pluriannuel de 240 milliards de francs CFA, lancé en 2015.

Procès inique

Pour justifier sa décision qui a tout l’air d’une sanction, le MCC invoque le « déclin des engagements du Bénin vis-à-vis de ses critères d’éligibilité et de principes de gouvernance démocratiques ».

La concomitance des faits suggère une allusion à peine voilée au sort des deux figures de l’opposition, Joël Aïvo et Reckya Madougou. Coupables pour l’un des faits de blanchiment de capitaux et de complot contre l’autorité de l’État, et pour l’autre de terrorisme, dans des procès dénoncés autant par leur conseil respectif que par nombre d’observateurs comme inique. Car n’étant fondé sur aucune preuve solide et sous l’impulsion d’une juridiction d’exception nommée Criet, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme.

Opposition à l’étroit

Créée en 2016 au lendemain de l’avènement de Patrice Talon, cette Cour dont un des juges s’est illustré il y a quelques mois en dénonçant après sa fuite à Paris, des pressions politiques dans le cadre de l’instruction de Reckya Madougou, n’a fait que condamner des opposants jusqu’ici, au nom de la lutte pour la bonne gouvernance, selon le pouvoir.

C’est ce même principe que le gouvernement oppose aux récentes inquiétudes de Washington. Mais le régime béninois a beau le nier, l’évidence est là, palpable. À savoir que tous les opposants au président Talon sont aujourd’hui, soit en prison, soit en exil à l’abri d’un bâillonnement. Ne restent sur place que des menus fretins et autres faire-valoir contre lesquels l’ex-magnat du coton s’était d’ailleurs fait réélire à 86% des voix dès le premier tour en avril dernier.


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