Côte d’Ivoire : face aux velléités d’un troisième mandat d’Alassane Ouattara, une timide mobilisation de l’opposition

Alassane Ouattara, president de la République de Côte d'Ivoire.

 

Après avoir promis à la communauté internationale de ne pas briguer un troisième mandat, Alassane Ouattara a fini par rétropédaler le jeudi 6 août en annonçant sa candidature à la présidentielle d’octobre prochain. Cette décision provoque l’ire de l’opposition, qui peine pourtant à mobiliser ses partisans.

Alassane Ouattara devait entrer dans l’histoire de la Côte d’Ivoire…En mars 2020, il avait promis devant les médias ivoiriens et internationaux de ne pas se représenter en 2020, après deux mandats réglementaires. Le chef de l’Etat ivoirien avait désigné dans la foulée Amadou Gon Coulibaly comme le candidat de son parti le RHDP en octobre prochain.

Mais « l’héritier » de Ouattara est brusquement décédé le 8 juillet 2020 à la suite d’un malaise cardiaque survenu pendant le Conseil des ministres, de retour d’un long séjour hospitalier en France.

« Si eux décident d’être candidats, je serai candidat ! »

Alors que tout le monde attendait la désignation d’un nouveau candidat pour son parti, le président ivoirien a décidé de se présenter pour un troisième mandat. Parmi ses arguments : le peu de temps restant pour préparer un bon candidat et les sollicitations de ses militants afin de poursuivre son œuvre de bâtisseur. Il a aussi fait prévaloir sa constitution de 2016, qui remettrait les compteurs à zéro.

Il y a en outre le fameux conditionnel d’il y a quelques mois : « Je veux que tous ceux de ma génération comprennent que notre temps est passé. Et que nous devons tous nous mettre de côté. Alors si eux décident d’être candidats, je serai candidat ! ». Une déclaration en direction de Laurent Gbagbo et d’Henri Konan Bédié, qui a annoncé sa candidature en juin dernier.

Daoukro et Dabou montrent la voie

Ouattara a officialisé sa candidature dans sa très attendue allocution du 6 août, à la veille de la fête de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Un peu plus tôt ce jour, un groupuscule de partisans de Laurent Gbagbo avait manifesté à Yopougon pour mettre la « pression » sur le chef de l’Etat. Rien n’y fit.

Devant le fait accompli, des responsables de l’opposition (FPI, PDCI, etc.) ont appelé à des marches éclatées dans tout le pays, le lundi 10 août. Le résultat fut famélique. La population ivoirienne a vaqué à ses occupations. Seules quelques villes ont enregistré des marches de vingtaine ou de trentaine de personnes.

C’est le cas de Daoukro (centre), la ville natale de l’ex président Bédié où des jeunes de son parti, le PDCI-RDA ont bloqué tous les accès à la ville le lundi. La gendarmerie locale a dû user de gaz lacrymogène pour dégager toutes les voies barricadées après l’échec des négociations avec le préfet et les chefs traditionnels.

A Dabou (sud-est, près d’Abidjan), une manifestation contre la candidature d’Alassane Ouattara aurait fait une victime ce même lundi. La marche avait d’abord été encadrée par les éléments du district de police et du commissariat de la ville, avant d’être par la suite dispersée à coups de gaz lacrymogène.

Une manifestation au nord du pays ce mardi

Ce mardi 11 août, c’était au tour des partisans de Guillaume Soro d’entrer en action à Ferkessédougou (nord). Le leader de Génération peuples solidaires (GPS) est en exil en France depuis le début d’année, suite à son divorce avec Alassane Ouattara.

Les forces de sécurité ont rapidement dispersé, à coups de gaz lacrymogènes, la vingtaine de jeunes pro-Soro. Quelques tentatives de manifestations ont également eu lieu aussi dans l’ouest du pays, à Gagnoa et à Bangolo notamment. Mais les forces de l’ordre ont monté un dispositif dissuasif, comme partout ailleurs.

Un manque criard de leaders

Cette faible mobilisation des partisans de l’opposition pourrait d’abord s’expliquer par le choix du jour. Lundi marque le début de la semaine de travail, dans un pays où il faut gagner son pain au quotidien. Ensuite, elle s’explique par le manque de leader pour motiver et canaliser les militants. En l’absence de Laurent Gbagbo, Blé Goudé ou même Soro Guillaume pour lancer des mots d’ordre, il était prévisible que la mayonnaise ne prendrait pas.

Bédié, qui devait endosser le rôle de « guide » n’a pas l’habitude des manifestations populaires. C’est le « Prince héritier » du vieux Houphouët et le représentant d’une certaine bourgeoisie. Une autre raison pourrait expliquer l’échec des manifestations de lundi : la lassitude des Ivoiriens face à une politique violente depuis trente ans. Ils aspirent de plus en plus à vivre leur vie tranquillement, loin du « trio infernal » (Ouattara, Bédié et Gbagbo).

Le début de la fin d’une peur de dix ans ?

Ou peut-être que l’on devrait voir cette timide mobilisation comme une victoire, le début d’une rupture, après des années de peur du régime Ouattara. Il faudra surement attendre les prochains jours pour se faire une idée. Les jeunes leaders de l’opposition réunis à la maison du PDCI ce mardi ont déjà appelé à de nouvelles manifestations le jeudi 13 août 2020 dans toutes les villes, tous les campements, villages du pays pour exiger le respect la constitution ivoirienne. Ce second appel portera-t-il ses fruits ?


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