Une récente enquête explosive met en lumière l’envers du décor de l’intelligence artificielle où des personnes sont exploitées dans les pays africains afin de perfectionner les algorithmes.
Derrière les prouesses technologiques de ChatGPT, Gemini, Anthropic, Perplexity et les autres systèmes d’intelligence artificielle (IA) actuellement plébiscités, se cache une réalité brutale, mais hélas méconnue : celle de personnes contraintes de travailler comme des forçats pour rendre ces agents conversationnels performants.
Une équipe de « 60 Minutes », l’émission de la chaîne de télévision américaine CBS, s’est récemment déplacée à Nairobi, la capitale du Kenya, afin de toucher du doigt la réalité de ces travailleurs appelés « humains dans la boucle » (en anglais « humans in the loop ») dans le jargon.
Une appellation qui met en exergue le rôle indispensable de ces personnes dans le développement de l’IA, à travers un processus d’entraînement destiné à fournir le jugement, la contextualisation et la compréhension nuancée aux machines.
Autant de choses que les machines ne peuvent pas (encore ?) reproduire seules. D’où une certaine ironie. À savoir que plus l’intelligence artificielle semble autonome en apparence, plus elle dépend en réalité d’un travail humain invisible, mais crucial.
Une nouvelle forme d’exploitation dans l’ère numérique
L’enquête de CBS un quotidien de travail harassant, marqué par des horaires à rallonge pour une rémunération dérisoire de deux dollars de l’heure, à en croire Naftali Wambalo, un des témoins interrogés par la chaîne de télévision.
« Honnêtement, c’est comme de l’esclavage moderne. Parce que c’est de la main-d’œuvre bon marché« , tranche Nerima Wako-Ojiwa, jeune militante kényane des droits civiques citée par le média. Une affirmation d’autant plus vraie que les employés n’ont souvent pas de contrat de travail.
Pire, cette rémunération ne représente qu’une toute petite fraction du montant facturé par les sous-traitants aux géants de la tech qui sollicitent le travail. OpenAI, la firme conceptrice du célèbre chatbot ChatGPT aurait ainsi versé 12,50 dollars de l’heure à SAMA, entreprise chargée ensuite d’embaucher les travailleurs.
Des séquelles psychologiques dévastatrices
« Ils ne paient pas assez bien les Africains. Et la main-d’œuvre est si importante et désespérée qu’ils pourraient payer n’importe quoi, avoir n’importe quelles conditions de travail, et ils trouveront toujours quelqu’un pour prendre le poste« , ajoute Nerima Wako-Ojiwa, évoquant le laxisme de la législation locale de travail comme une des raisons de cette situation.
À l’instar de Naftali, les travailleurs sont exposés quotidiennement aux pires contenus d’internet : pornographie, violence extrême, discours haineux, actes de torture… Sans véritable suivi psychologique adapté, beaucoup développent des traumatismes durables.
« Je ne suis plus la même personne« , confie Fasica, une employée qui peine désormais à maintenir des relations sociales. Quant à Naftali, elle avoue que cette exposition constante à la pornographie a détruit sa vie intime.
Poster un Commentaire