« Monsieur Z » indésirable même mort

L’inhumation à Orléans de ce génocidaire rwandais présumé, de son vrai nom Protais Zigiranyirazo, a été bloquée par la justice française.

Protais Zigiranyirazo trouvera-t-il le repos éternel ? Peut-être que oui, mais pas en France manifestement. Décédé le 3 août au Niger, l’inhumation de cet homme de 87 ans prévue à Orléans fait l’objet d’une âpre bataille entre sa famille et les autorités françaises.

Le tribunal administratif a en effet entériné, le 28 août, l’interdiction d’inhumer prise la veille par le maire de la région Centre-Val de Loire en raison de possibles « troubles à l’ordre public ». Pour comprendre les raisons de cette décision prise in extremis par Serge Grouard, il faut remonter le parcours du défunt.

Né en février 1938, Zigiranyirazo, surnommé « Monsieur Z », était ancien préfet de Ruhengeri, dans le nord-ouest du Rwanda, de 1974 à 1989.

Frère aîné d’Agathe Habyarimana, épouse de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana dont le régime est accusé d’avoir préparé le génocide des Tutsi, il est considéré comme l’un des artisans de ce massacre qui a fait près d’un million de morts en 1994.

L’indignation des associations de victimes

« On pense que son surnom de Monsieur Z provient du réseau zéro, ou alors c’est son surnom qui a donné le nom au réseau zéro« , témoigne sur TV5 Monde l’historien Vincent Duclert, qui dirigeait la commission sur le rôle de la France au Rwanda, en référence au « réseau zéro », structure clandestine d’organisation du génocide.

Ainsi, pour les associations de défense des victimes du génocide, Protais Zigiranyirazo représente bien plus qu’un simple défunt : il symbolise l’une des périodes les plus sombres de l’histoire récente de l’humanité où les membres d’une même communauté se sont mutuellement massacrés.

« Pour nous, ça a été l’étonnement le plus grand. Toute sa vie, monsieur Z a été interdit de séjour en France, bien qu’une partie de sa famille réside à Orléans. Le danger, quand on fait une telle publicité, c’est que les lieux de sépulture deviennent des lieux de pèlerinage pour tous ceux qui ont participé au génocide des Tutsi« , explique Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda, au sujet de l’autorisation d’inhumer accordée dans un premier temps par le maire.

Entre considérations juridiques et enjeux mémoriels

« La famille de Protais Zigiranyirazo est aujourd’hui catastrophée. Elle n’entend pas baisser les bras face à cette situation. Nous allons engager des recours appropriés, saisir le Conseil d’État, parce qu’une décision de principe doit intervenir à terme« , promet désormais l’avocat de la famille Philippe Meilhac, alors que le corps du défunt reste bloqué à la morgue.

Au cœur de la défense de la famille se trouve un argument juridique de poids : l’acquittement de Zigiranyirazo en appel par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) en 2009 pour « des erreurs de droit et de fait qui constituent un déni de justice et invalident le verdict » de première instance.

Une décision qui ne convainc pas les associations de victimes, qui y voient plutôt un acquittement « pour des vices de forme » plutôt qu’une reconnaissance d’innocence sur le fond.

« Le TPIR, lorsqu’il a été créé, ne pouvait instruire des procédures que sur les faits allant du 1er janvier au 31 décembre 1994. Cela veut dire que la phase où Protais était le plus actif, où les preuves sont les plus importantes de son activité au service de l’extrémisme anti-Tutsi, ne pouvaient pas être prises en compte« , tempère Duclert au sujet de cet acquittement.


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