Les mille et un problèmes du marché africain de l’édition

Une nouvelle étude de l’Unesco révèle les obstacles majeurs du secteur : manque de librairies, de bibliothèques et de politiques publiques de soutien, malgré un potentiel considérable.

Dans un monde où les récits façonnent les identités et les perspectives d’avenir, l’Afrique reste paradoxalement dépendante des écrits en provenance de l’étranger. C’est ce que révèle une nouvelle cartographie de l’industrie du livre présentée le 18 juin 2025 par l’Unesco.

Cette première étude du genre, intitulée « L’industrie du livre en Afrique : tendances, défis et opportunités de croissance », témoigne d’un déséquilibre commercial frappant sur le continent en matière de livres, soit 597 millions de dollars d’importations contre seulement 81 millions d’exportations en 2023.

Dans ce contexte, seule une poignée de pays, dont le Sénégal, l’Afrique du Sud, le Kenya, le Ghana et l’Égypte tirent leur épingle du jeu, faisant ainsi officie de locomotive du marché. Le continent regorge pourtant de talents littéraires émergents.

À preuve, deux des cinq derniers Goncourts ont été décernés à des auteurs africains (le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr en 2021 et l’Algérien Kamel Daoud en 2024. À cela s’ajoute l’accueil chaque année de 270 festivals littéraires impliquant 200 associations professionnelles sur le continent.

De nombreux défis à surmonter

De fait, l’Afrique ne génère que 5,4% du chiffre d’affaires global de l’édition, soit à peine 7 milliards de dollars, alors qu’elle abrite 18% de la population mondiale. Mais les déséquilibres du secteur vont bien au-delà des statistiques économiques.

L’insuffisance criante des infrastructures d’impression locales contraint de nombreux éditeurs à externaliser leur production hors du continent, créant un cercle vicieux d’augmentation des coûts et de réduction de la compétitivité.

Les chiffres apprissent très révélateurs : seulement 8 000 bibliothèques sur l’ensemble du continent, dont le quart en Afrique du Sud. Pour les librairies, on en compte 13 000, mais la répartition reste déséquilibrée. Le Nigeria, pays le plus peuplé, n’en a qu’une pour 50 000 habitants.

Autre défi majeur : les quelque 2 000 langues nationales recensées demeurent très peu présentes dans l’édition, éclipsées par le français, l’anglais et le portugais.

Un potentiel sur lequel s’appuyer

« Ce nouveau rapport de l’Unesco démontre la nécessité de renforcer les politiques publiques pour le livre et la lecture afin que les histoires africaines puissent être écrites, publiées et lues. Il faut investir pour que le continent révèle pleinement ses grands auteurs et ses talents », indique Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco.

Le continent peut s’appuyer sur son potentiel éducatif colossal, à l’origine de 70% du marché continental de l’édition. Ce secteur pourrait générer jusqu’à 13 milliards de dollars « si chaque élève disposait d’un manuel physique par matière », selon les auteurs de l’étude.

Autre atout majeur : la jeunesse de la population africaine et son dynamisme démographique. L’organisation recommande trois priorités : renforcer les cadres juridiques et institutionnels, construire un marché intérieur solide et élargir l’accès au livre.


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