Mali : Assimi Goïta vers un mandat présidentiel, l’élection s’éloigne

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Alors qu’un retour à l’ordre constitutionnel semblait à portée de main, les autorités du Mali viennent d’adopter un projet de loi offrant un mandat présidentiel de cinq ans renouvelable au chef de la transition, le général Assimi Goïta. Une décision qui interroge sur la sincérité du processus démocratique engagé depuis 2020 et sur l’avenir institutionnel du pays.

Une transition qui s’installe au Mali dans la durée

Le Mali s’enfonce un peu plus dans une transition sans fin. Cinq ans après le renversement d’Ibrahim Boubacar Keïta et l’arrivée au pouvoir du colonel Assimi Goïta — devenu entretemps général — la perspective d’une élection présidentielle s’éloigne à nouveau. Pourtant, tout laissait croire à un retour progressif à la légalité constitutionnelle. Le référendum du 18 juin 2023, organisé malgré les risques sécuritaires, avait symbolisé une avancée vers une normalisation politique, avec une nouvelle Constitution instaurant l’élection du chef de l’État au suffrage universel.

Mais à mesure que la transition s’étire, le discours évolue. En novembre 2024, lors d’un Conseil des ministres, Assimi Goïta appelait encore à créer les conditions pour des élections « transparentes et apaisées ». Quelques mois plus tard, ce cap est remis en question. Le 11 juin 2025, le gouvernement malien a validé un projet de loi conférant à Goïta un mandat présidentiel plein, d’une durée de cinq ans, renouvelable. Un changement de braquet majeur.

Une présidence de transition qui devient pérenne

Le texte adopté transforme radicalement la nature du pouvoir en place. Assimi Goïta ne serait plus simplement chef de la transition, mais président de la République en exercice, avec la possibilité d’être reconduit. Cette manœuvre institutionnelle, qui pourrait être entérinée sans consultation populaire immédiate, soulève de nombreuses questions sur la légitimité du pouvoir et sur l’avenir démocratique du pays.

Pour justifier cette décision, le ministre délégué chargé des Réformes politiques affirme qu’elle s’inscrit dans la continuité des recommandations issues du dialogue inter-Maliens. Ce processus, tenu en 2024, aurait permis d’identifier un consensus autour de la nécessité de stabilité, incarnée par le maintien au pouvoir du chef de la transition. Une stabilité, certes, mais imposée par le haut.

Une lecture contestée du consensus national

Le gouvernement affirme s’appuyer sur « les forces vives de la Nation et la diaspora » pour légitimer ce virage politique. Il invoque également la Constitution de juillet 2023, qui offre un socle juridique à cette évolution. Mais pour nombre d’observateurs, cette lecture est biaisée. Le dialogue inter-Maliens, s’il a eu le mérite de réunir de nombreuses parties prenantes, ne peut se substituer à une véritable élection démocratique.

Plusieurs voix, au sein de la société civile et parmi les partenaires internationaux, dénoncent un processus de consolidation autoritaire sous couvert de légalité. La transparence promise semble repoussée à une date indéterminée, et la transition, censée être temporaire, tend à devenir un nouveau régime à part entière.

Le paradoxe d’un pouvoir militaire civilisé

Le cas malien illustre un paradoxe de plus en plus répandu dans certains régimes de transition militaire en Afrique : revendiquer la rupture avec l’ancien ordre, tout en concentrant le pouvoir au sommet et en limitant les contre-pouvoirs. Assimi Goïta, déjà renforcé militairement, verrait son autorité entérinée politiquement, sans passer par les urnes.

Ce choix s’inscrit dans une stratégie plus large au sein de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Ces trois pays, dirigés par des juntes militaires, affichent une volonté commune de bâtir une gouvernance nouvelle, affranchie de la tutelle occidentale et des modèles démocratiques classiques. Mais cette volonté se heurte à la réalité d’une gouvernance souvent centralisée, peu transparente et dépendante d’un appareil militaire omniprésent.

Vers une transition permanente au Mali ?

Avec ce nouveau mandat présidentiel en préparation, le Mali semble s’orienter vers une « transition permanente ». La logique de sortie de crise, initialement annoncée, laisse place à une redéfinition du pouvoir sur le long terme. Si les autorités assurent ne pas exclure une future consultation électorale, aucun calendrier précis n’a été communiqué. La promesse d’un scrutin apaisé paraît de plus en plus théorique.

Ce flou alimente les inquiétudes, tant au sein de la société civile que chez les partenaires régionaux et internationaux. L’Union africaine et la CEDEAO, qui avaient multiplié les mises en garde, observent désormais avec prudence, conscientes du risque d’isolement mais aussi des tensions sociales que pourrait générer ce prolongement du pouvoir sans élection.


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