Le Kenya secoué par une vague de disparitions forcées

Le président William Ruto est accusé de procéder à des enlèvements d’opposants à son régime alors que de nombreux civils restent introuvables, certains depuis plusieurs mois.

« Billy Mwangi est sorti de chez lui à Embu pour se faire couper les cheveux. Son coiffeur raconte que des hommes cagoulés l’ont forcé à monter dans une voiture avant de s’enfuir. Il n’a plus été revu depuis ».

Le récit réitéré, jeudi 2 janvier 2025, par le journaliste de CNN Larry Madowo sur X, compte parmi des dizaines d’autres témoignages provenant de parents, amis et autres proches au Kenya ces derniers temps.

Le pays est-africain est en effet terrorisé depuis quelques mois, par une vague sans précédent d’enlèvements de personnes en pleine rue, souvent par des hommes non identifiables. Conduites vers des destinations inconnues, les victimes ne donnent plus aucune nouvelle à d’elles.

Comme Billy Mwangi, ils sont ainsi plusieurs dizaines – au moins 82 selon un premier bilan dressé par des organisations de défense des droits humains citées par CNN – majoritairement des militants et des critiques du gouvernement à s’être volatilisés depuis juin.

Une machine répressive bien huilée

Ce mois a notamment marqué le soulèvement de la population, principalement les jeunes, contre un projet gouvernemental d’augmentation des taxes via une nouvelle loi de finances. Les manifestations qui se sont soldées par la mort d’au moins cinq personnes, ont finalement conduit au retrait du texte controversé.

Mais sans doute pas du sentiment de déception ambiante envers le président William Ruto, qui en à peine deux ans de mandat, semble avoir grillé son capital de confiance vis-à-vis de la population.

La désillusion est en effet totale face aux promesses non tenues sur l’emploi, la corruption et une économie en berne, alors que 29 personnes demeurent introuvables depuis cet épisode sanglant, dont six disparues quelques jours seulement avant Noël, selon un organisme public de défense des droits humains, toujours rapporté par CNN.

Le témoignage de Bob Njagi, figure de proue du mouvement « Free Kenya », lève le voile sur les méthodes brutales employées. Enlevé en août par quatre hommes cagoulés alors qu’il se trouvait dans un minibus, il raconte avoir été séquestré pendant un mois dans un lieu tenu secret.

Du déni et aucune action palpable

« J’ai été déshabillé, enchaîné au sol pendant deux jours, soumis au waterboarding (technique de torture par simulation de noyade) », témoigne ce militant de 47 ans, qui a dû rater la naissance de sa fille durant cet épisode décrit comme particulièrement cruel.

Après avoir longtemps nié ces enlèvements, dont certains sont imputés à des agents de renseignements kenyans, William Ruto a récemment promis d’y mettre un terme, tout en ajoutant une mise en garde à peine voilée : « mais ils (la jeunesse) doivent faire preuve de discipline et de politesse ».

Une promesse restée pour l’heure lettre morte alors que l’angoisse des proches de ces disparus grandit. « Certains veulent que nous oubliions et que nous allions de l’avant, mais nous allons continuer à faire vivre l’histoire des enlèvements à l’échelle internationale. Aussi longtemps qu’il le faudra », insiste Larry Madowo.


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