La Cour pénale internationale va fermer son antenne d’Abidjan alors que l’enquête à l’origine de son expansion sur place patine.
Treize ans après son arrivée, la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé son départ de la Côte d’Ivoire, avec la fermeture d’ici mi-2025 de son bureau basé dans la capitale, Abidjan. Il s’agit, selon l’instance basée dans la ville néerlandaise de La Haye, d’une décision motivée par des raisons budgétaires.
Elle plaide notamment, à en croire les termes rapportés par le journal Le Monde, « un appui opérationnel limité [qui] ne justifie plus qu’une présence soit maintenue sur le terrain », tout en s’empressant de préciser que cette fermeture de l’antenne locale « ne devrait pas compromettre la poursuite de l’enquête », toujours en cours.
La CPI était détachée dans le pays ouest-africain dans le cadre des procédures judiciaires engagées nées de la crise post-électorale de 2010-2011 ayant opposé le camp du président Alassane Dramane Ouattara (ADO) à celui de son prédécesseur Laurent Gbagbo.
Cette crise dont les origines remontent à 2002 et qui aurait fait au moins 3 000 morts selon un bilan fréquemment mentionné et sans doute sous-estimé par des associations de droits de l’homme. Ce départ annoncé de l’instance judiciaire internationale a donc de quoi étonner plus d’un observateur.
« Justice à deux vitesses »
Car le « tableau de chasse » de la CPI en Côte d’Ivoire après une décennie sur place a de quoi faire retourner les milliers de victimes dans leur tombe : aucune condamnation parmi les principaux acteurs de la crise, pourtant bien identifiés.
Plus significatif, plusieurs d’entre eux ont bénéficié de la couverture des autorités – en l’occurrence ADO –, soit par amnistie, soit en n’ayant été jamais inquiétés, parfois en parfaite violation du droit international, qui exclut les crimes contre l’humanité du champ d’amnistie.
Par ailleurs, la CPI a fait chou blanc dans les cas de Laurent Gbagbo et de son ancien ministre et allié Charles Blé Goudé, tous les deux acquittés après plusieurs années de péripéties judiciaires. Une seconde mort pour les victimes de cette guerre fratricide pour le moins sanglante.
De quoi alimenter le sentiment d’une « justice à deux vitesses » tel que relevé par Eric Semien, président de l’Observatoire ivoirien des droits de l’homme, cité dans les colonnes du Monde.
Un départ précipité ?
« Les 3 000 morts de 2011, ce n’est pas dans un seul camp« , rappelle-t-il en écho aux sentiments des associations de victimes pour qui ce départ résonne comme un abandon.
« Plus le temps passe, moins il y a de dédommagement à espérer« , déplore Lacina Kanté, président de la Confédération des organisations des victimes des crises ivoiriennes, toujours au Monde
Le gouvernement d’Alassane Ouattara, lui, se félicite de ce retrait, y voyant la preuve que « les juridictions nationales marchent bien », alors que de nombreuses voies craignent une nouvelle flambée de violence dans la perspective de la présidentielle prévue fin 2025.
Poster un Commentaire