Le Soudan a lancé le 30 septembre dernier le premier championnat de football féminin de son histoire. Une révolution dans ce pays qui s’ouvre depuis la chute de l’ex-président Omar El-Bechir, largement soutenu par les islamistes et conservateurs.
Une transition démocratique censée favoriser l’égalité homme-femme
« Il y a moins de deux ans, un championnat féminin au Soudan n’était pas envisageable. Des filles jouaient, mais rien n’était organisé », explique à Jeune Afrique Mirvat Hussein, en charge du football féminin au sein de la Fédération soudanaise de football. Elle mesure ainsi la révolution en cours dans son pays.
Le Soudan, l’un des pionniers du football en Afrique et cofondateur à Khartoum en 1957 de la Confédération africaine de football (CAF), avait formellement interdit ce sport aux femmes après l’adoption par le pays en 1983 de la loi islamique, dont les femmes font partie des grandes victimes. Mais depuis le départ forcé en avril dernier d’Omar El-Bechir, arrivé au pouvoir après un coup d’État en 1989, le pays a entamé une transition démocratique censée favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes. Celles-ci se trouvaient d’ailleurs à l’avant-garde des manifestations anti-Béchir, exprimant leur colère après des siècles de patriarcat et de lois restreignant leur rôle dans la société.
Le football féminin bénéficiera d’une attention particulière
La création d’une ligue féminine de football, qui comprend 21 clubs, répartis en trois régions, apparait donc aussi comme un signe de reconnaissance envers ces « Amazones ». Le premier match de l’histoire du championnat féminin de football a eu lieu le 30 septembre à Khartoum entre les équipes de Tahdi et Difaa, devant près de 8 000 spectateurs. Parmi eux, la ministre des Sports, Wala Essam, qui promet que le football féminin bénéficiera d’une attention spécifique.
L’on a noté le vif intérêt d’un public mixte et des médias, avec des matches retransmis à la télé. Quant aux nouvelles starlettes comme Rayan Rajab, elles voient leurs photos diffuser dans les pages sportives. La fédération envisage maintenant de créer des compétitions pour les jeunes, et le ministère des sports d’ouvrir la pratique dans les établissements scolaires. En attendant, une équipe nationale verra rapidement le jour.
Les conservateurs dans tous leurs états
Si le football féminin suscite l’engouement du public, il y a encore une bonne partie de la population qui le voit d’un mauvais car baignant dans le conservatisme. L’un des porte-voix de ce Soudan de l’islamisme s’appellle Abdel Hay Youssef, un prédicateur connu pour ses prêches radicaux et son soutien à Omar El-Bechir. Le 11 octobre dernier, il avait violemment critiqué la ministre des Sports pour avoir encouragé la création de ce championnat féminin, assurant que l’islam interdirait la pratique du football par les femmes.
Mirvat Hussein, qui n’ignore pas ces attaques virulentes, veut rester positive. « On entend leurs critiques. Pour les plus radicaux, la place de la femme est à la maison. Ils expliquent que l’islam n’est pas compatible avec la pratique du sport par les femmes. Mais on note tout de même qu’il y a une évolution dans la société. Les gens sont plus ouverts au changement », assure la dirigeante.
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