
La justice française ordonne à la compagnie pétrolière de transmettre l’ensemble des preuves concernant les dédommagements versés aux communautés affectées par son projet très décrié dans le pays est-africain.
En Ouganda, TotalEnergies devra montrer patte blanche. C’est le principal enseignement de la décision rendue jeudi 18 septembre par le tribunal de Paris dans l’affaire opposant la firme française à un collectif d’associations et de riverains affectés par son gigantesque projet pétrolier composé de deux infrastructures majeures.
La première, baptisée Tilenga, prévoit le forage de plus de 400 puits de pétrole, dont 180 situés dans le parc national de Murchison Falls, l’un des espaces protégés les plus anciens, les plus vastes et les plus visités d’Ouganda.
La seconde concerne la construction du plus long oléoduc chauffé au monde, l’EACOP (East African Crude Oil Pipeline), qui traversera l’Ouganda et la Tanzanie en franchissant plusieurs aires naturelles protégées.
Mais cette infrastructure pharaonique a un coût humain considérable : l’expropriation totale ou partielle de plus de 100 000 personnes qui bataillent depuis plusieurs années pour, à défaut de faire annuler le projet, obtenir une compensation à la hauteur de l’enjeu.
Pour le devoir de vigilance
À cet effet, la juge Laure Aldebert ordonne à TotalEnergies de communiquer plusieurs documents cruciaux sous un mois, sous peine d’astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Parmi ces documents figurent les rapports gouvernementaux ougandais définissant les taux de compensation des terres que TotalEnergies cite, mais refuse de transmettre.
S’y ajoutent les études des sous-traitants Atacama et Newplan ayant servi de base aux compensations, ainsi que le rapport de 2022 sur les risques d’inondation que les plaignants accusent TotalEnergies d’avoir négligé.
Enfin, la justice réclame l’intégralité des comptes rendus des comités de pilotage des droits humains, dont les versions caviardées par l’entreprise se sont révélées illisibles. À l’origine de cette décision décrite comme « une réelle avancée » par les associations plaignantes dans leur communiqué, figure le principe du devoir de vigilance.
Une victoire d’étape dans une bataille d’envergure
Entrée en vigueur en 2017, cette loi permet d’engager la responsabilité d’une entreprise française en cas d’atteintes graves aux droits humains et à l’environnement, que ce soit sur le territoire national ou à l’étranger.
« Alors que Total avait essayé de se réfugier derrière ses filiales en disant que la majorité des documents leur appartenaient, le tribunal a également souligné que les demandeurs étaient bien fondés à diriger leur demande à la maison mère, dans le cadre de son devoir de vigilance », précisent les plaignants.
Le mégaprojet ougandais de TotalEnergies soulève de vives critiques pour le déplacement de populations entières, l’exode forcé des éléphants de leur territoire, et un bilan carbone estimé à 34 millions de tonnes de CO2.
Poster un Commentaire