
Deux ans après le putsch qui l’a renversé, l’ancien président nigérien reste détenu par la junte militaire, otage d’une partie de poker menteur aux enjeux géopolitiques.
Le président qui ne gouverne pas. Telle pourrait se résumer la situation de Mohamed Bazoum, élu à la tête du Niger en 2021, un titre qu’il conserve toujours, du moins formellement, puisque l’homme de 65 ans refuse de démissionner, deux ans après son renversement par coup d’État.
Il est de fait maintenu prisonnier, avec sa femme, dans l’enceinte du palais présidentiel à Niamey, la capitale, dans des conditions pour le moins drastiques. Gardé par des militaires sous le commandement du lieutenant-colonel Habibou Assoumane, un fidèle du chef de la junte Abdourahamane Tiani, le couple a interdiction de sortir.
Y compris pour voir la lumière du soleil. Il peut tout juste se déplacer dans le couloir de quelques mètres qui jouxte les deux pièces devenues leur lieu de détention. Surtout que les militaires désormais aux commandes du Niger ont accusé en octobre 2023 l’ancien chef de l’État de tentative d’évasion.
Une affaire « montée de toutes pièces », selon sa défense citée par Le Monde, alors que les accusations de « haute trahison », « d’atteinte à la sûreté de l’État », de « corruption » et de « mauvaise gouvernance » n’ont jamais été étayées.
Le piège de l’otage encombrant
L’éventualité d’un procès de Bazoum, dont l’immunité a été levée en juin 2024, constitue-t-elle un atout pour le général Tiani dans la gestion du cas de son ancien patron ?
Cette hypothèse n’est pas à exclure, tant l’ancien président de la République est devenu encombrant pour l’ex-chef de la garde présidentielle nigérienne, selon l’expression de l’essayiste nigérien Seidik Abba interrogé par Le Figaro.
Le général putschiste utilise son prisonnier comme un bouclier humain pour tenir à distance ses « ennemis ». Mais cette stratégie s’avère de plus en plus contre-productive à mesure que la situation du Niger se dégrade, le pays étant de plus en plus isolé sur la scène internationale.
Dans ce contexte quasi paranoïaque, marqué par la crainte d’Abdourahamane Tiani d’être renversé à son tour, trois possibilités s’offrent à lui, selon un diplomate européen cité par le quotidien français.
Issoufou, le « traître » comme voie de salut
Exécuter Mohamed Bazoum quitte à « mettre le feu aux poudres dans un pays en pleine déconfiture », maintenir le statu quo au risque de renforcer l’aura de celui-ci, ou le libérer, ce qui impliquerait de reconnaître implicitement l’échec de son coup d’État.
La famille et les soutiens du « président-prisonnier » tentent en tout cas tant bien que mal de se mobiliser pour obtenir cette issue, même si les marges de manœuvre se réduisent face à l’intransigeance de la junte, laquelle a déjà opposé une fin de non-recevoir aux initiatives de la CEDEAO, du Maroc, de l’Algérie, du Togo et même du Qatar, pour n’en citer que quelques-unes.
L’une des dernières cartes pourrait cependant être Mahamadou Issoufou. Le prédécesseur de Bazoum, accusé d’avoir comploté contre celui-ci, est de plus en plus pressé d’user de sa proximité avec les militaires pour obtenir sa libération.
« Pour que ça marche, il faut montrer à Issoufou qu’il y a aussi une issue positive pour lui », confie l’ancien Premier ministre belge Charles Michel au Figaro.
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