La Gambie pourrait faire marche arrière sur l’excision. Après avoir interdit cette pratique en 2015, ce petit pays d’Afrique de l’ouest envisage de la dépénaliser. Une proposition de loi a été déposée en ce sens en mars au Parlement et pourrait être validée en juillet prochain. Les militants des droits s’en inquiètent et font tout leur possible pour changer les mentalités, à leur risque et péril.
En 2015, sous le dictateur Yahya Jammeh, la Gambie avait décidé de l’interdiction des mutilations génitales féminines (MGF) et voté une loi pour la condamner en justice. Cette décision historique avait été saluée par les ONG de défense des droits de l’Homme et par les militantes féministes. Mais, neuf ans plus tard, le pays pourrait rétropédaler. En effet, une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale en mars dernier pour dépénaliser l’excision.
L’excision fait courir de nombreux risques
Pour rappel, les mutilations génitales féminines consistent à l’ablation partielle ou totale du clitoris, des petites lèvres et/ou des grandes lèvres. Elles peuvent aussi consister à la réduction de l’orifice vaginal en cousant les lèvres pour les refermer ensuite. Cette pratique fait courir de nombreux risques aux femmes. Hémorragie, infection au tétanos et au VIH, infertilité, fistules, douleurs lors des rapports sexuels, difficultés pour accoucher…la liste est longue. En Gambie, 76 % des femmes de 15 à 49 ans ont subi des MGF selon l’UNICEF.
La crainte d’un retour en arrière après des années de lutte
Depuis plusieurs années, des militantes féministes mettent leur vie en danger pour abolir totalement cette tradition, car certaines exciseuses se cachent encore pour l’appliquer. Mariama Fatajo, représentante de l’association des femmes pour l’émancipation des victimes (WAVE) fait partie de ces combattantes acharnées. Cette jeune femme de 26 ans lutte contre les mutilations génitales dans son pays.
Informer et encourager à abandonner l’excision
La proposition de loi déposée au Parlement l’inquiète beaucoup. Elle craint une régression des droits des femmes, si ce texte était adopté en juillet prochain. En tant que femme excisée, Mariama Fatajo sait très bien les ravages physiques et psychologiques des MGF. Elle assiste au quotidien les victimes et partage avec elle son expérience. La jeune activiste sensibilise et informe aussi car de nombreuses femmes n’ont pas conscience des dangers de cette pratique. En outre, elle essaie de convaincre les dernières exciseuses d’abandonner leur métier.
Les religieux en tête des défenseurs des MGF
Mais Mariama Fatajo sait que le chemin sera long pour changer les mentalités. En Gambie, les défenseurs des MGF sont nombreux et ils occupent l’espace public. Il s’agit en particulier de religieux, dont des imams très respectés par les communautés. Parmi eux, le prédicateur Abdoulie Fatty, qui a payé en 2023 la caution de trois exciseuses condamnées, pour les remettre en liberté. Cet homme utilise l’islam pour manipuler ses fidèles. Mais il n’est qu’un maillon.
L’excision rétablirait l’égalité hommes-femmes en matière d’appétit sexuel
En effet, le Conseil islamique suprême gambien se trouve en tête des réfractaires à l’abolition des mutilations génitales. Dans une fatwa, cet organisme qualifie la « circoncision féminine » de coutume et d’« une des vertus de l’islam ». Elle permettrait de rétablir l’égalité hommes-femmes en matière d’appétit sexuel. Heureusement, la société évolue peu à peu malgré les réticences et les rhétoriques des imams. Plusieurs centaines d’exciseuse ont déjà abandonné leurs couteaux et lames.
La crainte de l’abrogation d’autres législations en faveur des femmes
Le principal problème maintenant vient du Parlement, une institution politique dominée par des hommes, et surtout des conservateurs. Leur proposition de loi pour dépénaliser l’excision risque d’ouvrir d’autres portes…En effet, elle pourrait être une première étape pour abroger d’autres lois qui protègent les femmes, comme l’interdiction du mariage des petites filles. Par ailleurs, les activistes craignent un effet de contagion dans la sous-région. Certains pays pourraient également revenir sur leur décision.
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